Retour sur les JO (2)


Un élève de l’ESN Yoga a participé au « Marathon Pour Tous » organisé dans le cadre de Paris 2024. Il raconte :

Nuit du 10 août… 

Ça y est, j’y suis ! Je viens de remonter la Seine sur plusieurs centaines de mètres après avoir déposé mon sac à la consigne de la rue de l’amiral de Coligny, et ça y est ! Je présente dossard et bracelet vert au contrôle, preuves que je suis bien autorisé à courir LE « Marathon pour tous » ! Ce marathon populaire qui emprunte le parcours du marathon olympique ! et j’entre dans le sas n°7, mon sas, quai des Célestins. Nous y sommes environ 3000. Ça y est… 

La nuit précédente, je me suis couché avec ce bracelet au poignet, impossible à retirer. Sécurité ! Mes vêtements sont prêts pour la course : short, bas de contention, chaussures, poche ventrale pour le téléphone et maillot du club, dossard centré, piqué de 4 épingles nourrices. Mon casque audio est en charge. 

Et j’ai mal dormi… 

Mais maintenant ça y est ! J’y suis ! Je retrouve le climat habituel des départs… coureurs et coureuses épaules contre épaules, blaguant nerveusement sur le manque de toilettes disponibles, piétinant, s’étirant, sirotant une boisson énergétique, échangeant des pronostics, des stratégies… le tout dans l’atmosphère camphrée des cuisses massées à la consigne. Je branche mon casque, choisis France Musique. Je tombe sur un concert du saxophoniste John Zorn… génial, tous les voyants sont au vert ! 

Il est presque 22h00. L’impatience gagne. 

Ça y est, ça bouge… Nos 6000 jambes se mettent en marche, d’abord très lentement, puis un peu moins lentement… nous approchons de l’Hôtel de Ville… nous marchons vite maintenant… il y a des lumières, une sono… nous commençons à trottiner, tournons devant l’Hôtel de Ville, l’ambiance commence à monter, nos fréquences cardiaques aussi… et là, sur notre gauche, apparaît l’arche de départ ! J’aperçois ma fille et ses amis. Ils me font signe, les bras levés. 

Des spectateurs sur 5 rangs de chaque côté de l’avenue Victoria, décorée aux couleurs des JO, la musique est à fond, les spots de couleurs s’allument, s’éteignent alternativement… ambiance boîte de nuit avec des centaines de mains qui frappent sur les barrières, de bouches qui crient des encouragements, qui chantent… frissons et picotements dans les yeux, mes genoux tremblent sur quelques dizaines de mètres… 

Ça y est vraiment maintenant. Chacun a pris son allure. Il ne reste plus que 40 kilomètres à parcourir. Et la foule est toujours là, fervente, souriante, chantante… Les monuments défilent : Opéra Garnier, colonne Vendôme, pyramide du Louvres et place du Carrousel, le chaudron et sa flamme nous font tourner la tête… et nous longeons maintenant les quais… Trocadéro et Tour Eiffel… et toujours John Zorn. 

Nous approchons de la Maison de la Radio, 10e kilomètre, le peloton est toujours dense. Je n’ai pas vu le temps passer, ni la distance. Tout va bien, facile, à part la sueur qui colle le maillot à ma peau. Dans cette masse de spectateurs et de coureurs, trouverai-je ma compagne, ma famille, mes
amis ? Ils m’attendent à l’angle de l’avenue de Versailles et de la rue de Boulainvilliers, devant la brasserie Les Ondes. Je ralentis, les cherche du regard. Les gens m’interpellent : Courage, il ne faut pas abandonner… Je leur souris… et puis je vois enfin les miens. Bisous, petits mots… et je repars.

Traversée de Boulogne, nous franchissons la Seine, Manufacture de Sèvres… direction Ville d’Avray et une longue montée douce. La troupe s’étire. Tous les 2,5 km, les volontaires des JO nous ravitaillent en eau, en biscuits, en morceaux de bananes. Ils nous encouragent, lisent nos dossards et nous interpellent par nos prénoms. Sur ce parcours, comme le dit la chanson, « la solitude, ça n’existe pas » ! Il est aux environs de minuit, le concert de John Zorn est fini, j’écoute machinalement les musiques suivantes. Elles me sont agréables à l’oreille, je ne parviens plus à concentrer mon écoute. Je suis entré dans une routine. 

Je passe devant la statue de La Fayette. Quelques centaines de mètres plus loin, le téléphone vibre… ma compagne vient aux nouvelles : « J’en suis bientôt à 22, je pense arriver vers 2h30-2h45. Tu me rappelles quand ? » 

Nous descendons enfin dans un large virage sur la gauche, nous apercevons le château de Versailles illuminé. C’est le retour vers Paris par l’avenue de… Paris ! une interminable ligne droite qui nous emmène à Viroflay et Chaville. Je ne suis plus vraiment disponible pour profiter du paysage, je gère comme je peux, mais, pour le plaisir et pour entretenir ma lucidité, ne pas tomber dans une sorte d’hypnose, je continue à taper dans les mains tendues par les spectateurs. C’est très surprenant. D’habitude, seuls les enfants font cela. Ce marathon est tellement différent des autres ! 

Il est également différent par son dénivelé (436m positifs), et nous arrivons au km 28 et le fameux pavé des Gardes, une côte longue de 800 m et qui frôle les 10%… et là, nouvelle surprise, une série d’arches lumineuses multicolores décore cette terrible montée ! C’est féérique… je franchis les 800 m en marchant. Je me préserve et j’admire. 

30e kilomètre, nouvel appel de ma compagne : elle m’attend avec Hubert, un ami, au km 38, à Bir Hakeim. Cet appel me relance, d’autant que nous abordons 2 kilomètres de descentes avec des passages atteignant 15 à 16 % de déclinaison. Des sensations grisantes à venir, mais un calvaire pour les quadriceps ! D’ailleurs, passé le 35e, je ne parviens plus à courir en continu. Mon allure est un peu cassée et j’alterne marche rapide et course. Préoccupé, j’en ai manqué Agnès, une amie volontaire des JO, qui était postée à ce dernier ravitaillement. 

A partir d’ici et jusqu’à l’arrivée, nous sommes maintenant sur du plat. Sauf quand se présente une trémie, nous descendons et remontons rapidement au milieu des lumières et de la musique techno qui animent ces passages. Les kilomètres s’enchaînent et enfin, la Tour Eiifel apparaît, nous guide vers l’arrivée. 38e, Bir Hakeim, petit arrêt bisou. 

39e, la Tour Eiffel est dépassée. 40e, nous longeons l’Ecole militaire. 41e, boulevard des Invalides. 42e, je marche. Un jeune policier m’encourage. Je lui réponds que je suis à fond, aux taquets, que je sprinte… Je crains qu’il n’ait pas compris mon sens de l’humour de marathonien fatigué. Néanmoins, il m’a convaincu, je reprends la course jusqu’à… 

42,195 ! Il est 3 heures du matin. Je l’ai fait ! 5h… Soulagement, je bois une verre d’eau, regarde si je trouve des connaissances, mange un brugnon, passe à la consigne, me pose dans un coin et me change, sous-vêtements compris. Je relève la tête et aperçois plusieurs concurrents, allongés sur le granit chaud des bordures de trottoir. Ils dorment en attendant les premiers métros ! Jusqu’au bout, ce marathon est un moment incroyable… 

Je me relève et pars rejoindre ma mie. Je suis redevenu anonyme. Enfin, pas tout à fait… je garde la médaille sur la poitrine, un peu fier. 

VIDEO. Paris 2024 : le parcours du marathon des Jeux olympiques en 3D (francetvinfo.fr)